Moté

La vie, c’est comme les mirabelles

Writober 2021 #8 – Laissez rentrer les monstres


Je vous laisse découvrir ! Je commence à récupérer doucement de ma semaine.


Les villageois s’affairèrent toute la journée. Ils vidèrent la grande salle de tout ce qui n’y était pas absolument nécessaire. Ils poussèrent les meubles contre les murs et dressèrent l’estrade. Ils préparèrent la cuisine et lancèrent les cuissons. Et enfin, ils amenèrent les tonneaux de bière.

Les musiciens arrivèrent au dernier moment, coïncidant étrangement avec la percée de la première barrique. Ils s’installèrent confortablement sur l’estrade, la choppe à portée de soif. Les premières notes, pendant qu’ils s’échauffaient, attirèrent les habitants.

La salle se peupla rapidement. Personne ne se pressait, mais personne ne tarda non plus à venir. La bière coula, la viande fut servie, le soleil se coucha, et les langues se délièrent. Les rires jaillissaient. La nuit s’installa, et la température chuta, mais seulement à l’extérieur. Au contraire, à l’intérieur la température s’échauffa, et la piste de danse s’ouvrit. On tapa du pied et on claqua des mains, et les duos se formèrent, et s’élancèrent. La musique résonnait, claire et joyeuse.

On tapa à la porte, et les deux paysans les plus proches posèrent leur verre avant d’aller ouvrir avec curiosité. Personne d’autre n’y prêta attention.

Poussant le battant, le premier révéla une scène étrange. Devant lui se tenaient tous les monstres de la région. Et tous s’étaient lavés et avaient revêtus ce qui correspondait à ses habits de fête. Un certain nombre de gobelins, leurs quelques cheveux propres et peignés en arrière. Un trio d’orcs, les crocs brillant comme des sous neufs. Un ogre, portant un peigne tout neuf.

Tous les fixaient, l’air presque embarrassé. Le premier paysan interrogea le second du regard. Qui haussa les épaules.

Et ils ouvrirent la porte en grand.

Des sourires s’épanouirent sur chaque visage, dans une déclinaison de styles. Les monstres se précipitèrent, mais durent rentrer à la queue leu leu, impatients, poussant presque celui devant lui.

Très vite, l’orchestre fut rejoint par de nouveaux instruments : flûte à bec, tambourin, quena. Alors on tapa plus fort du pied et on claqua d’autant plus de mains. De nouveaux duos se formèrent. Ici, un gobelin dansait joyeusement avec une petite fille, là, une orc menait son cavalier sur un rythme endiablé, et plus loin, l’ogre soulevait une femme d’âge mûr dans des figures spectaculaires.

On passa aux danses traditionnelles : branle ou farandole, main dans la main, et gavotte, bras dessus bras dessous, monstres et humains mélangés.

On termina avec une danse lente, une moitié des participants essoufflés abandonnant, et le reste formant des duos mixtes. À l’exception notable d’un trio de gobelins passablement éméchés, effondré chacun dans les bras des autres.

Enfin, le soleil se leva. Les musiciens, couverts de sueur, rangèrent leurs instruments. Chacun sortit, clignant des yeux face à la lumière vive. Puis les villageois rentrèrent chez eux, et les monstres s’éloignèrent pour rejoindre leurs repères inconnus.


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