Moté

La vie, c’est comme les mirabelles

En silence, dans le hall


– Eh, mais qu’est-ce qu’on fait là ?

La petite fille apostrophait un de ses deux amis, celui qui les menait dans cet étrange endroit. Tous les trois avançaient discrètement dans un immense hall de pierre lisse, aux voûtes se perdant dans les hauteurs, et éclairé par d’innombrables bougies fixées à des chandeliers tombant d’un plafond invisible. Le premier se retourna, et répondit sévèrement :

– Chuuut ! On ne doit surtout pas se faire attraper ! Je dois faire quelque chose ici, c’est pour mon petit frère.

– Quoi ton petit frère ?

– Il va pas bien, il est malade. Là on peut faire en sorte qu’il aille mieux.

Les trois comparses rasaient les murs, se faisant encore plus petits qu’ils ne l’étaient. Malgré leurs efforts, leurs pas semblaient résonner à l’infini dans le décor vide. Ils étaient le seul mouvement dans la grande salle, même les flammes des lumières semblant immobiles.

Ils finirent par arriver au bout de la longue pièce.

Sur une estrade, dressé sur un pupitre, était disposé un lourd livre relié de cuir. Jetant des coups d’œil autour de lui pour s’assurer d’être toujours seul, leur guide se précipita. Trop petit pour le lire confortablement, il se saisit maladroitement de l’ouvrage et le déposa au sol. Il sortit un crayon à papier de sa poche.

– Regardez, c’est à la bonne page !

– Qu’est-ce que tu fais ?

– Je change ce qu’il va lui arriver.

Il raya un paragraphe avant de réécrire à côté. Il tirait la langue en s’appliquant.

– Fais attention à pas faire de fautes d’orthographe !

– Oui ça va, je sais écrire !

– Et dépêche-toi !

Ayant finalement terminé, les trois enfants replacèrent le livre sur son support. Dans la précipitation, il manqua de basculer et balança un peu avant de retomber en place en raclant le sol. Effrayés par le bruit, ils se pressèrent de s’enfuir au plus vite, en regardant autour d’eux pour être sûrs de ne pas se faire attraper.

Dans l’ombre d’un porche, derrière l’estrade, un homme frêle, chauve, vêtu d’une toge brune, les regarda partir. Lorsqu’ils furent sortis, il s’approcha du précieux livre. Il tourna quelques pages. Le Destin relut ce qui était prévu, vérifia que ce qui venait d’être écrit correspondait à ce qui était prédit.

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